Quand le travail devient l’identité

Quand on rencontre une personne pour la 1e fois, l’une des 1e questions que l’on va lui poser est « Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? » pour savoir quel est son métier. Une belle preuve qu’en France, le travail fait partie intégrante de son identité. Gare à ceux qui sont considérés comme inactifs ! Ils sont vus presque comme la plaie de la société, ceux que l’on doit nourrir et à qui on doit tout payer comme leur future retraite parce qu’ils sont « paresseux » ou « incapables ». En revanche, quand le travail s’arrête et qu’on a tout misé dessus, c’est la fin du monde. Pourquoi le travail a-t-il autant d’importance et comment éviter de s’y réfugier ?

Quand le travail fait partie de notre vie…

Travailler en 1930 n’est certainement pas la même chose qu’en 1980 ou aujourd’hui. Avant, il était parfaitement normal voire obligatoire d’avoir un métier. Aujourd’hui, le regard de la société est devenu plus tolérant. On peut plus facilement accepter qu’une personne choisisse de ne pas travailler. Il y a des motifs qui paraissent plus acceptables que d’autres : reconversion, maladie, tour du monde, se rendre disponible pour aider un proche dans sa vie quotidienne, etc.

Être salarié·e ou indépendant·e est considéré comme une grande fierté ou, tout au moins, une nécessité en France. C’est un parfait moyen de satisfaire son besoin d’appartenance à un groupe, l’un des besoins importants de tout être humain (si je vous dis « pyramide de Maslow », cela vous parle ?). Que ce soit à l’échelle de la société ou dans un groupe plus restreint à l’échelle de l’écosystème dans lequel on travaille (entreprise, clients, fournisseurs, partenaires…), se sentir en faire partie est rassurant. Cela permet de se sentir reconnu·e, accepté·e, de partager des codes dans un cadre avec des repères connus de tous. C’est également une manière de structurer son temps, de le découper.

… Et quand il n’y est pas

Il arrive tous les jours que le travail ne soit pas présent dans notre vie : formation ou études, chômage, retraite, maladie, accident de la vie en général, crise nationale ou internationale (sanitaire, guerre, krach boursier…). Soit cette absence d’activité professionnelle est considérée comme subie, elle peut avoir pour conséquences un sentiment d’inutilité, d’être à l’écart, de ne plus être compris par ses proches, voire même d’arriver à la dépression.

Remontons aux origines. Le mot « travail » viendrait, entre autres, du latin « tripalium », qui est un instrument de torture… Pas très joyeux, n’est-ce pas ? Cela explique à quel point on a un rapport ambivalent avec le travail.

Depuis l’apparition de la Covid-19, nous avons connu des périodes de confinement, ce qui a même demandé de s’arrêter de travailler pour une partie des travailleurs. Combien ont perdu leurs repères, se raccrochant au fait que tout allait reprendre bientôt ? En parallèle, d’autres se sont rendus compte à quel point le travail dirigeait leur vie, jusqu’à s’en sentir esclaves (d’ailleurs n’était-ce pas une forme de travail subi et sans rémunération qui existait avant… ?). L’idée de moins travailler pour respecter d’autres valeurs (famille ou santé par exemple) ou travailler différemment a commencé ainsi à germer… Ce genre de changement a ainsi permis à beaucoup de personnes de changer ou confirmer leur point de vue initial sur leur activité professionnelle.

Se libérer du poids du travail

Il peut être intéressant de se demander pourquoi on travaille. J’imagine déjà les réponses possibles :

  • Parce qu’il le faut, je n’ai pas le choix.
  • Quelle question bizarre ! Mais parce que c’est comme ça !
  • Si je ne travaille pas, qu’est-ce qu’on dira de moi ?
  • Il faut bien que je paye mon loyer, mes factures, que je nourrisse ma famille…
  • Je veux être indépendant·e.
  • Comment je ferais si je ne travaillais pas ? Il n’y a que comme ça qu’on peut gagner de l’argent.
  • Parce que le travail c’est la santé !
  • Je n’ai pas passé autant de temps à étudier pour ensuite ne rien faire !
  • Je ne veux pas faire comme [nom d’un membre de la famille].
  • Il faut que je donne l’exemple.
  • Sans cela, je ne serai rien.

Il y a autant de réponses que de personnes sur Terre finalement. Cela m’amène à demander ce qu’apporte le travail dans la vie. Si c’est un simple apport financier, alors il peut être dangereux de ne compter que sur cela quand le travail s’arrête. Dans ce cas, autant réfléchir à d’autres sources de revenus, ne serait-ce qu’en complément, une sorte de plan B en somme. Afin d’élargir cette réflexion, on peut évaluer de quoi on a réellement besoin pour vivre, quelles sont les charges récurrentes et prochains frais. C’est également l’opportunité de faire le point sur sa manière de consommer : est-ce utile d’acheter telle ou telle chose, est-ce éthique, ai-je déjà quelque chose qui pourrait avoir le même usage, pourquoi je veux acheter cela, qu’est-ce que cela m’apporte, comment ferais-je si je ne l’avais pas, etc.

On peut aussi estimer que le travail apporte ou doit apporter un épanouissement par ses missions. Même chose, s’il s’arrête, il faut trouver d’autres sources possibles pour retrouver cet épanouissement. Le bénévolat peut être une option par exemple, pour garder cet épanouissement tout en satisfaisant des valeurs.

Je me permets de jeter un pavé dans la mare : nous ne sommes pas notre travail ! Même quand c’est un travail-passion, même quand c’est une vocation. S’il est très satisfaisant, tant mieux. Pour autant il ne fait pas partie de notre identité. Notre identité c’est être. Travailler, c’est faire. Dans notre vie, le « faire » peut s’arrêter, mais pas « l’être ». Par abus de langage en France, on dit « Je suis [nom du métier] ». Cependant, pour éviter les amalgames, il me semble qu’il serait plus juste de dire « J’exerce actuellement l’activité de [nom et explication succincte] », même si c’est plus long… !

D’où la nécessité de ne pas être dépendant d’un emploi ou d’une activité professionnelle. Soit dit en passant, ceci est d’ailleurs valable pour quoi – ou qui – que ce soit dans la vie : ne pas être dépendant est la clé de la liberté (professionnelle, sociale, affective, financière…). Mieux vaut avoir un autre filin de sécurité si le principal lâche… Ou tout simplement compter sur sa propre capacité à rebondir.

La nouvelle génération qui travaillera dans quelques années sera d’ailleurs un exemple en la matière. Ces jeunes voudront avant tout exercer une et même plusieurs activités professionnelles pour le plaisir et non juste pour le statut ou se conformer à la pression sociale.  Ils seront probablement enclins tout au long de leur vie professionnelle à changer de poste, de métier, de statut (salarié·e, indépendant·e, les 2), à jongler entre plusieurs activités en même temps. Inspirons-nous de cette flexibilité, car le monde change. L’adaptabilité, l’agilité et la résilience sont les soft skills à développer (entre autres) pour cela.

Aujourd’hui, nous sommes dans une période d’intense mutation et les choses changent à vitesse grand V. Il faudra s’attendre à de multiples réformes, de changement de point de vue, d’accompagnement par de plus en plus de professionnels (coachs, thérapeutes…). Se questionner sur l’importance de la valeur « travail » est en tout cas toujours bon à prendre. C’est prendre du recul sur l’un des aspects de sa vie.

Quel est votre rapport avec le travail ? Comment le considérez-vous et quelle importance y accordez-vous dans votre vie ?

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